Visite Royale (PV)

Une dernière convulsion. Je dépose un doux baiser sur les lèvres du corps fraîchement mort. Je caresse tendrement sa joue. Dommage que tu m’es été emmené. Tu étais si beau… Tu aurais pu rendre une femme heureuse là haut…Mais il a fallu qu’on te descende ici. Je soupire. Auprès de moi, une de mes marionnettes apparait et, d’un mouvement presque imperceptible des doigts, je la fais prendre ton corps encore chaud. De là, elle est runé de sorte à t’emmener dans le labyrinthe, et tu servira de dîner aux hommes qui errent là dedans. Ce sont d’efficaces chiens de gardes, alors autant que je les maintienne en vie. Parfois, un peu de légumes et fruits. Souvent, de l’eau et des cadavres frais de leurs congénères. Parfois, un cri ou un grognement résonnant entre les murs m’indiquent qu’ils sont encore bien vivants. Je soupire. Depuis qu’Ami ne répond plus à mes appels et depuis qu’il a essayé de me tuer, je me sens bien seule. Il était mon second père, mon meilleur ami, mon confident, mon amant qui me prenait dans ses bras et me disait qu’il m’aimait. Nouveau soupir. Je me dirige vers le lavabo. Ingénieuse invention qui me permet d’avoir de l’eau courante à souhait. Depuis, les geôliers me voient de moins en moins souvent. Je suppose qu’ils sont à présent bien heureux.

Puis soudain, quelque chose d’aussi rare qu’inattendu. Un son que je n’entends jamais. Quelqu’un tocque à la porte. Celle qui me sert que peu. Mais que mes victimes empruntent à chaque fois. Celle qui mène des prisons à ma salle. Quelqu’un aurait-il réussit à traverser le labyrinthe pour venir jusqu’à moi de plein gré ? Je suis généralement prévenue des arrivées de mes clients. Or, là, rien… Je fronce les sourcils. Venant du palais, je n’ai normalement rien à craindre… Pourtant… Le seul endroit d’où peut provenir le danger est la porte juste à coté, qui mène dans un parc plus loin dans la ville. Mais, encore une fois, le labyrinthe sépare, et je suis la seule à savoir me déplacer sans problème à l’intérieur. Je me lave les mains dans le lavabo, les essuient sur ma robe noir à froufrou – un des cadeaux que ma chère sœur a tenu à m’apporter, les très rares fois où elle descendait elle-même m’apporter un condamné. Je prends un de mes poignards et le pose pas très loin de la porte. Et enfin, après une longue attente pour la personne derrière, je m’avance et ouvre la porte, la tirant vers moi. En face, une jolie jeune fille d’apparence mon âge. Enfin, l’âge que mon corps devrait avoir mais qu’il n’aura jamais. Car tout en moi est faux. Ma peau est synthétique, et couvre un corps de métal. Je n’ai gardé que mon visage. Qui ne vieillira plus jamais. Et je resterais jusqu’à ma mort avec le physique d’une jeune fille. De longs cheveux roses. Des yeux bleus. Sur sa tête, une couronne que je connais que trop bien, pour l’avoir vu porté par la Reine. Qui est cette personne ? La nouvelle souveraine ? Je fronce les sourcils. Peu m’importe l’étiquette, je n’irais pas faire la courbette à la reine. Je ne chercherais pas son amitié. Je suis ici pour l’avoir voulu, pour mon propre plaisir. Et ce n’est ni des gardes ni une reine qui me bougera de là. Enfin, je prends la parole, un sourire ironique sur les lèvres :

« Il est rare que l’on vienne me voir de mon plein gré… Connaissez-vous la règle ici ? Une vie contre une vie. Si vous comptez repartir, apportez-moi de quoi jouer, pour ne pas devenir le jouet. »

Une révérence, parfaite, exquise, comme la femme qui est devant moi. Elle m’apprend qu’elle est la nouvelle reine. Donc, j’avais raison. Elle me propose également de faire descendre des prisonniers plus souvent. Un sourire se dessine sur mes lèvres, comme lorsqu’on apprend à une enfant qu’il va avoir de nouveaux jouets, plus divertissants que les premiers. Et dans les yeux de la femme, une sage tranquillité, et elle est sereine, même si elle semble avoir comprit qu’ici, dans ce royaume obscur, c’est moi la reine. Et que dès qu’elle s’est enfoncée dans les entrailles de la terre, elle était entre mes griffes. Elle s’assoit sur du vide. Je hausse un sourcil. Hm, d’accord, comme elle veut. Après tout, je ne peux pas lui en vouloir, car la seule chose encore saine ici est mon lit, sagement dissimulé dans une alcôve dans une autre salle annexe et bien mieux protégé que celle où nous nous trouvons. Elle reprend la parole et m’annonce que ses gardes me prennent pour un fantôme. Je me mets à rire jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. Au bout d’un certain temps, j’arrive à me calmer. Je réponds, toujours avec mon sourire ironique caractéristique :

« Comme la moitié de la population, j’imagine. Au moins, on me laisse tranquille, et on ne s’inquiète pas des cris qui peuvent retentir ici. »

Ah, ces cris… Souffrance, mort. Désespoir aussi. Appels au secours. Des cris, toujours des cris. Voyons, suis-je si affreuse ? Non… Car je permets à la mort de les délivrer. Je pourrais être un monstre et les laisser remonter à la surface, à moitié fou, charcutés, dévisagés. Ce serait un sort bien pire que la mort… Je reprends, sourire disparut, et bien plus sérieuse.

« Où est donc le problème ? »

« Je ne suis fantôme que pour ceux qui ne voient pas à travers l’obscurité. »

Je me décale enfin de la porte, pour lui permettre d’avancer et vais m’asseoir sur un siège, non loin de là. Un simple tabouret de bois, plutôt ancien, qui a sut résister à tout ce que j’ai pu lui faire subir. Je continue :

« Je vous aurais bien offert à boire mais… Mis à part de l’eau, et pas d’une excellente qualité, je n’ai rien. Enfin, faîtes moi part de votre proposition. »

Une étrange luciole apparaît soudain, et j’ai un petit sursaut. Je ne m’y attendais absolument pas. Une discussion sembla s’engager, puisque je pouvais voir le regard de la jeune souveraine posé sur la luciole. Finalement, elle prend la parole et me présente l’étrange créature qui semble l’accompagner. Philaé, élémentaire de l’air. Source de son pouvoir. Hm. Combien de temps peut tenir un élémentaire sous la torture ?... L’envie de le tester me prit soudain, pourtant, je balaie cette idée de la tête. Non, je ne peux pas faire ça… Pas tout de suite. Mais, en songeant au compagnon de route de la reine, je me souviens d’Ami. Ma marionnette fétiche. Mon ami, mon amant, mon confident, ma famille. Tout mon monde et mon univers. Parti. Ami, runé pour avoir son indépendance. Ami, un danger qui est maintenant en vadrouille je ne sais trop où, qui peut apparaître et disparaître à volonté, capable de créer des marionnettes et de les contrôler. Un marionnettiste tout comme moi, avec sûrement mon talent voir plus, bien plus dangereux que moi. En parler à la reine ? Ce peut être une bonne idée. Mais comme pourrait-elle arranger les choses, puisque c’est son peuple qui est en danger ? Je refuse qu’Ami ne soit blessé. Je refuse qu’il soit détruit. Mais on ne peut le tenir captif. Et il n’a pas les sentiments qu’un être doué de conscience dès la naissance peut avoir. Hm. Oui, en parler à la reine, juste pour prévenir. Mais lui demander de ne pas intervenir. Mais m’écoutera t-elle ? J’en doute, elle ne peut comprendre la relation que j’ai avec Ami, cet amour fusionnel que j’ai pour lui, malgré qu’il ne soit qu’une poupée.

« D’ailleurs, chère Reine, je dois vous tenir au courant d’une chose. Vous devez être au courant de mes talents de marionnettiste ? –je fais apparaître à mes cotés une dizaine de marionnettes, que je laisse inanimées. Toutes sont différentes les unes des autres, pourtant, toutes sont simples gardiennes des souterrains- Et bien, il m’est dans l’obligation de vous faire part d’un léger…Accident. J’ai décidé de runer l’une d’elle. Hélas, elle a échappée à mon contrôle… Et se balade désormais un peu partout. C’est un danger, mais même avec toute la bonne intention du monde il vous serait impossible de l’arrêter, car elle disparaît et apparaît à volonté n’importe où. De ce fait, je vous demanderais de ne pas interagir avec elle… Autant pour votre sécurité que pour.. »

Je ne termine pas ma phrase. Non, c’est inutile. Même si à travers des yeux il est impossible de lire l’affection que j’avais pour cette marionnette, j’imagine qu’il est facilement devinable de savoir quel lien j’avais avec elle. Du moins, si on est quelque peu renseigné sur la marionnette en fuite qui a sûrement déjà frappé et sur moi.